Pour Madeleine,
« Je remonte à pas lents au bastidon. L’état de la lumière est maintenant étrange.
Comme tous les soirs vers six heures, elle se pose obliquement sur les arbres, et les pierres sèches des " restanques ", le flanc bombé et brun de la colline.
Mais c’est sur la maison qu’elle impose le plus intensément sa puissance secrète. Les vieilles murailles grisâtres, tachetées de bleu, d’ocre et de mauve sombre, atteignent tout à coup à leur réalité. la matière qu’avait dissoute la chaleur du jour y afflue et s’y organise.
La pierre s’emplit de substance et parvient à sa densité naturelle. Elle compose sa vraie épaisseur, se charge de son poids réel, serre sa masse, comble toute sa forme.
Ainsi les murs pressés passent- ils du visible éclatant de feux au tangible chargé d’ombres pondérables. Ce que l’oeil ébloui croyait voir au soleil devient ce qui est, offre ce qu’on touche. Le rayonnement a pris corps, la pierre n’est plus brillante illusion visuelle, mais matière nourrie par la concentration de sa propre substance.
Elle prend sa vie dans le sol par ces racines minérales et devient l’être même de la pierre. A l’entrée de la nuit qui l’aime pour l’avoir cachée longtemps dans son sein, elle atteint à sa perfection, elle consolide la terre en marche dans l’espace ».